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| Le Bethlem Royal Hospital et Alphonse De Lamartine | |
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yanis la chouette
Nombre de messages : 15889 Localisation : http://yanis.tignard.free.fr Date d'inscription : 12/11/2005
| Sujet: Le Bethlem Royal Hospital et Alphonse De Lamartine Jeu 8 Juin à 8:29 | |
| Le Bethlem Royal Hospital (appelé communément Bedlam) est un hôpital psychiatrique situé à Beckenham dans le borough londonien de Bromley. Il est reconnu comme la première institution occidentale ayant offert des services de soins psychiatriques. Même s'il ne se trouve plus à son emplacement original, ce serait le plus ancien hôpital qui se spécialise dans les soins psychiatriques. Au XXIe siècle, il offre des services de pointe pour le traitement des problèmes de santé mentale, mais il est réputé pour avoir été le théâtre de plusieurs pratiques cruelles et inhumaines.
Il est connu sous divers noms : St. Mary Bethlehem, Bethlem Hospital, Bethlehem Hospital et Bedlam. Le mot anglais « bedlam », qui signifie chahut et confusion, trouve son origine dans son nom. Il pouvait aussi avoir le sens d'asile d'aliénés puisqu'on lit chez Voltaire : « ce monde est un grand Bedlam, où des fous enchaînent d'autres fous1 ».
En 2011, il héberge une collection d'œuvres de malades mentaux, le Bethlem Royal Archives and Museum.
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Saül. (1818) Par Alphonse De Lamartine (1790-1869) La scène est sur la montagne de Gelboé, dans le camp de Saül.
ACTE I
Le théâtre représente un camp on voit d'un côté les tentes du roi; de l'autre des rochers et des arbres; des drapeaux, des trophées sont sur le devant.
SCÈNE I
DAVID, seul, sans armes. Il est nuit.
DAVID Enfin je vous revois, lieux ,chers à ma mémoire! Lieux autrefois remplis de bonheur et de gloire! 0 palais des guerriers! ô tentes où mon roi Du salut d'Israël se reposait sur moi! Et vous, drapeaux sacrés! et vous, armes royales Que Saül confiait à ces mains filiales! Après un si long temps d'exil et de malheurs, Je vous vois, je vous touche, et vous baigne de pleurs!
(Il embrasse les étendards et les trophées.)
Invoquant de la nuit les ombres tutélaires, Je rentre en fugitif au milieu de mes frères; Je rentre, et nul guerrier ne reconnaît en moi Ce David, le soutien, le gendre de son roi! 0 Saül, ô mon maître! Et toi, Dieu redoutable Dont la main m'éleva, dont la rigueur m'accable, Que ne me laissais-tu dans mon obscurité? Que mon bonheur fut court et fut trop acheté Élevé par mon prince au sein de sa famille, Il m'approche du trône, il me donne sa fille; II me la donne! ô ciel et par un prompt retour, M'arrache cet objet d'un immortel amour. Jaloux de ces lauriers cueillis pour sa défense, En contemplant ma gloire, il craint pour sa puissance, Et je me vois trois ans proscrit de ces États Honorés par mon nom et sauvés par mon bras. C'.en est trop, mes malheurs ont passé mon courage! C'est languir trop longtemps dans ce honteux veuvage Quel qu'en soit le succès, par un dernier effort, Je viens redemander ou Michol ou la mort!
SCÈNE II
DAVID, JONATHAS, sortant des tentes du roi.
JONATHAS (à demi-voix.) Le sommeil à la fin descend sur sa paupière; Veillons!
(II entend les pas de David.)
Qu'ai-je entendu? Quel mortel téméraire Ose franchir l'enceinte où repose son roi? Guerrier, quel est ton nom?
DAVID. Vive Israël c'est moi!
JONATHAS. C'est la voix de David?
DAVID (se jetant dans ses bras.) Oui, c'est lui, c'est ton frère, 0 mon cher Jonathas!
JONATHAS. 0 ciel! qu'oses-tu faire? Viens-tu braver du roi l'implacable courroux?
DAVID. Je viens pour le fléchir, ou tomber sous ses coups.
JONATHAS. Tes ennemis ici veillent pour sa vengeance.
DAVID. L'appui des innocents veille pour ma défense.
JONATHAS. Les piéges de la mort environnent tes pas.
DAVID. Ah! qui vit dans l'exil, ami, ne la craint pas! Banni, persécuté, privé de ma patrie, Errant loin de Michol, que m'importe la vie? Que m'importent des jours traînés dans les déserts, Loin du saint tabernacle et du Dieu que je sers?
JONATHAS. Si Dieu les conservait au peuple qui l'adore? Ton bras fut son salut:
DAVID. Il le serait encore!
Au secours d'Israël que ne puis-je l'offrir?
JONATHAS. C'est ainsi seulement que David doit mourir. Tu sais de quels fléaux le ciel, qui nous accable, Trouble les derniers jours d'un prince misérable; Cet État, si longtemps affermi par ta main, Depuis qu'il t'a perdu penche vers son déclin; Chaque jour nous enlève un reste de puissance, Chaque pas nous entraîne à notre décadence, Et par tant de revers nos vainqueurs enhardis Partagent en espoir nos funestes débris. Le Philistin triomphe, et Juda, sans courage, Tend ses mains sans défense aux fers de l'esclavage; Il touche a ces moments prédits par Samuel Où le Jourdain verra les filles d'Israël, D'un vainqueur insolent malheureuses captives, S'asseoir loin de Gessen et pleurer sur ses rives. Seulement avec nous quelques rares soldats Disputent Israël et ne le sauvent pas A des vainqueurs surpris de leur propre victoire Ils imposent encor par un reste de gloire; Mais de l'arche de Dieu les derniers défenseurs Combattent sans espoir et tombent sans vengeurs.
DAVID. Sans vengeurs! et je vis! JI leur en reste encore.
JONATHAS. Dieu ne se souvient plus du peuple qui l'adore; Israël, autrefois l'objet de son amour, Le jour qui va paraître est-il ton dernier jour?
DAVID. Que dis-tu?
JONATHAS. Que demain le combat recommence; Qu'aux pieds de Gelboé le Philistin s'avance, Et que, de toutes parts d'ennemis entourés, Il faut vaincre ou périr.
DAVID. Chers amis, vous vaincrez! Vous vaincrez, ou David, couché sur la poussière, Aura mêlé son sang au pur sang de son frère. Viens, que Saül en moi retrouve enfin son fils.
JONATHAS. Garde-toi de t'offrir à ses regards surpris! Crains d'éveiller en lui cette fureur soudaine Dont le bouillant transport à ton seul nom l'entraîne; Attends que ses esprits, par nos soins préparés, De ses préventions reviennent par degrés; Laisse agir de Michol la tendresse prudente; Voici l'heure où, quittant le repos de sa tente, Quand sa douleur fidèle a chassé le sommeil, Elle vient de Saül attendre le réveil, Aux forêts, à la nuit confier ses alarmes, Adresser au Seigneur sa prière et ses larmes, Et se plaignant au ciel, sans accuser son roi, Lui présenter les voeux qu'elle forme pour toi! Aux transports accablants que causerait ta vue Laisse-moi préparer son âme trop émue. Laisse. Mais la voici!
DAVID. C'est elle, je l'entends, A je la reconnais au trouble que je sens!
Saül. (1818) Par Alphonse De Lamartine (1790-1869)
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..La amistad es como una rosa.. Siempre hay que dedicarle tiempo para cultivarla..Regalarla con cariño, y afecto.. Y veras como crece con cuidados.. Buenos días Hermosas Bunburyanas! ⚘⚘ .. L'amitié est comme une rose.. Il faut toujours du temps pour cultiver.. Donner avec amour et affection.. Et vous verrez comme il grandit avec soins.. Bonjour belles bunburyanas ! ⚘⚘
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« Le parallélisme Marx-Freud reste tout à fait stérile et indifférent, mettant en scène des termes qui s'intériorisent ou projettent l'un dans l'autre sans cesser d'être étrangers, comme dans cette fameuse équation argent = merde. En vérité, la production sociale est uniquement la production désirante elle-même dans des conditions déterminées. »
— L'Anti-Œdipe | |
| | | yanis la chouette
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| Sujet: Re: Le Bethlem Royal Hospital et Alphonse De Lamartine Jeu 8 Juin à 8:37 | |
| Geneviève. Par Alphonse De Lamartine (1790-1869)
PRÉFACE
I Avant d’ouvrir par l’histoire de Geneviève cette série de récits et de dialogues à l’usage du peuple des villes et des campagnes, nous devons dire dans quel esprit ils ont été conçus, à quelle occasion ils ont été composés, et pourquoi nous dédions ce premier récit à mademoiselle Reine Garde, couturière et servante à Aix, en Provence. Le voici :
II J’étais allé passer une partie de l’été 1846 dans cette Smyrne de la France qu’on appelle Marseille, ville digne par son activité commerciale de servir d’échelle principale à la navigation marchande et de rendez-vous aux caravanes de feu de l’Occident, nos chemins de fer ; ville digne, par son goût attique pour toutes les cultures de l’esprit, de s’honorer, comme la Smyrne d’Asie, des souvenirs de grands poëtes. J’étais logé hors de la ville, trop bruyante pour des malades, dans une de ces villas, autrefois bastides, sorties de terre dans toute la circonférence de son sol pour donner, avec le loisir du dimanche, la vue de ses voiles et les brises de sa mer à cette population avide de plaisirs naturels, et qui boit la poésie de son beau climat par tous les sens. Le jardin de la petite villa que j’habitais ouvrait par une petite porte sur la grève sablonneuse de la mer, à l’extrémité d’une longue avenue de platanes, derrière la montagne de Notre-Dame de la Garde, et tout près de la petite rivière voilée de lentisques qui sert de ceinture au beau parc et à la villa toscane ou génoise de la famille Borelli. On entendait de nos fenêtres les moindres mouvements de la vague sur les bords de son lit et sur son oreiller de sable, et, quand on ouvrait la porte du jardin, on voyait les franges d’écume s’avancer presque jusqu’au mur, et se retirer alternativement comme pour tenter et pour tromper dans un jeu éternel la main qui aurait voulu se tremper dans l’onde. Je passais des heures et des heures assis sur une grosse pierre, sous un figuier, à côté de cette porte, à contempler cette lumière et ce mouvement qu’on appelle la mer. De temps en temps, une voile de pêcheur, ou la fumée rabattue comme un panache sur la cheminée d’un bateau à vapeur, glissait sur la corde de l’arc que formait le golfe, et interrompait la monotonie de l’horizon.
III Les jours ouvriers cette grève était à peu près déserte ; mais les dimanches elle s’animait de groupes de marins, de portefaix riches et oisifs et de familles de négociants de la ville qui venaient se baigner ou s’asseoir entre l’ombre du rivage et le flot. Un murmure d’hommes, de femmes et d’enfants, heureux du soleil et du repos, se mêlait aux babillages des vagues légères et minces comme les lames d’acier poli sur le sable. De nombreux petits bateaux doublaient à la voile ou à la rame la pointe du cap de Notre-Dame de la Garde, ombragée de pins maritimes. Ils traversaient le golfe en rasant la terre, pour aller aborder sur la côte opposée. On entendait les palpitations de la voile, la cadence des huit rames, les conversations, les chants, les rires des belles bouquetières et des marchandes d’oranges de Marseille, filles de Phocée, amoureuses des golfes, et qui aiment à jouer dans les écumes de leur élément natal.
IV A l’exception de la famille patriarcale des Rostand, ces grands armateurs qui unissent Smyrne, Athènes, la Syrie, l’Égypte à la France par leurs entreprises, et à qui j’avais dû tous les agréments de mon premier voyage en Orient ; à l’exception de M. Miége, agent général de toute notre diplomatie maritime sur la Méditerranée ; à l’exception de Joseph Autran, ce poëte oriental qui ne veut pas quitter son horizon parce qu’il préfère son soleil à la gloire, je connaissais peu de monde à Marseille. Je ne cherchais pas à connaître, je cherchais l’isolement pour le loisir et le loisir pour l’étude ; j’écrivais l’histoire d’une révolution sans me douter qu’une autre révolution regardait déjà par-dessus mon épaule pour m’arracher les pages à peine terminées, et pour me permettre un autre drame de la France, non sous la plume, mais dans la main.
V Mais Marseille est hospitalière comme sa mer, son port et son climat. Les belles natures ouvrent les coeurs. Là où sourit le ciel, l’homme est tenté de sourire aussi. A peine étais-je installé dans ce faubourg, que les hommes lettrés, les hommes politiques, les négociants à grandes vues, les jeunes gens qui avaient un écho de mes anciennes poésies dans l’oreille, les ouvriers même, dont un grand nombre lit, écrit, étudie, chante, versifie et travaille à la fois des mains, affluèrent dans ma retraite, mais avec cette réserve délicate qui est la pudeur et la grâce de l’hospitalité. J’avais les plaisirs sans les gênes de cet empressement et de cet accueil : mes matinées à l’étude, mes journées à la solitude et à la mer, mes soirées à un petit nombre d’amis inconnus, venus de la ville pour s’entretenir de voyages, de littérature et de commerce.
VI Ces questions de commerce, Marseille ne les rétrécit pas en questions de petit trafic, de mesquine épargne et de parcimonie de capital ; Marseille les voit en grand comme une dilatation et une expansion du travail français et des matières premières de ce travail importées ou exportées de l’Europe à l’Asie. Le commerce, pour les Marseillais, est une diplomatie lucrative, locale et nationale à la fois. IIy a du patriotisme dans leurs entreprises, de l’honneur sur leurs pavillo ns, de la po litique dans leurs cargaisons. Leur commerce est une bataille éternelle qu’ils livrent à leurs risques et périls sur les flots, pour disputer l’Afrique et l’Asie aux rivaux de la France, et étendre la patrie et le nom français sur les continents opposés de la Méditerranée.
VII Une rencontre inattendue donnait en ce moment une fermentation morale de plus à ces entretiens sur le commerce à Marseille. Un grand économiste, dont le nom venait de surgir nouvellement en France, et qui promettait ce qu’il tient aujourd’hui, bon sens, courage et conscience, M. Frédéric Bastiat, était à Marseille. Il y avait été appelé pour y traiter, dans des réunions publiques, la question du libre échange, cette révolution du commerce, cette insurrection pacifique de l’intérêt général contre les monopoles partiels, cette liberté des dix doigts de la main contre l’arbitraire du travail. M. Bastiat, que je connaissais de nom et d’oeuvre, vint me voir. Il m’engagea à ces réunions. Je connaissais ces questions. Je partageais en grande partie ses opinions sur le libre échange ; je ne différais que sur l’application plus ou moins rapide et plus ou moins révolutionnaire de ses théories. Je les voulais lentes, graduées et transformatrices, pour donner au travail protégé lui-même le temps de se transformer sans périr. J’assistai à de magnifiques séances où M. Bastiat, M. Reybaud, les députés, les académiciens, les grands négociants de Marseille, luttèrent de bon sens et d’éloquence. Je fus amené à y prendre la parole. On me traita en hôte du pays ; Marseille me nationalisa par son accueil. Cette belle ville devint une patrie de reconnaissance pour moi, comme elle était déjà une patrie de mes yeux. Ces séances accomplies, je repris ma solitude et mon travail dans mon faubourg.
VIII Un dimanche, au retour d’une longue course en mer avec madame de Lamartine, on nous dit qu’une femme, d’un extérieur modeste et embarrassé, était arrivée par la diligence d’Aix à Marseille, et qu’elle nous attendait depuis quatre ou cinq heures dans une petite serre d’orangers qui faisait suite au salon de la villa sur le jardin. Je laissai madame de Lamartine entrer dans la maison, et j’entrai dans l’orangerie pour recevoir cette pauvre étrangère. Je ne connaissais personne à Aix, et j’ignorais complétement le motif qui pouvait avoir amené cette voyageuse d’une patience si obstinée à nous attendre toute une demijournée. En entrant sous l’orangerie, je vis une femme, jeune encore, d’environ trente-six ou quarante ans. Elle était vêtue en journalière de peu d’aisance ou de peu de luxe : une robe d’indienne rayée, déteinte et fanée ; un fichu de coton blanc sur le cou ; ses cheveux noirs proprement lissés, mais un peu poudrés, comme ses souliers, de la poussière de la route en été. Ses traits étaient beaux, gracieux, de cette molle et suave configuration asiatique qui exclut toute tension des muscles du visage, qui n’exprime que candeur et qui n’inspire qu’attrait ; de grands yeux d’un bleu noirâtre, une bouche un peu affaissée aux coins par la langueur ; un front pur de tout pli comme celui d’un enfant ; les joues pleines vers le menton et se joignant par des ondulations toutes féminines à un cou large et un peu renflé au milieu comme le cou des statues grecques ; un regard qui rappelait le clair de lune réfléchi dans une vague plutôt que le soleil de son pays ; une expression de timidité mêlée de confiance dans l’indulgence d’autrui, émanant de l’abandon de sa propre nature : en tout, l’image de la bonté, qui la porte dans son attitude comme dans son coeur, et qui espère la trouve, dans les autres. On voyait que cette femme, encore agréable, avait dû être très-attrayante dans sa jeunesse. Elle avait encore ce que le peuple, qui définit tout sans phrase, appelle le gain de beauté, ce prestige, cet aimant, ce je ne sais quoi qui fait qu’on attire, qu’on charme et qu’on retient. Son embarras et sa rougeur devant moi me donnèrent le temps de la bien regarder et de me sentir moi-même à l’aise, en paix et en bien-être avec cette inconnue. Je la priai de s’asseoir sur une des caisses d’oranger recouvertes d’une natte d’Égypte, et, pour l’y encourager, je m’assis moi-même sur une caisse en face. Elle rougissait de plus en plus, elle balbutiait, elle passait sa belle main potelée et un peu massive sur ses yeux. Elle ne savait évidemment quelle attitude prendre ni par où commencer. Je la rassurai, et je l’aidai par quelques questions pour lui ouvrir la voie de l’entretien qu’elle paraissait à la fois désirer et craindre.
IX « Madame » lui dis-je. Elle rougit davantage encore.
« Je ne suis pas mariée, monsieur, me dit-elle, je suis fille. » - Eh bien, mademoiselle, voulez-vous me dire pourquoi vous êtes venue de si loin, et pourquoi vous avez attendu si longtemps notre retour pour m’entretenir ? Est-ce que je puis vous être utile à quelque chose ? Est-ce que vous avez une lettre à me remettre de la part de quelqu’un de votre pays ? » - Oh ! mon Dieu, non, monsieur, je n’ai rien à vous demander, et je me serais bien gardée de me procurer une lettre des messieurs de mon pays pour vous, ou de laisser connaître seulement que je venais à Marseille pour vous voir. On m’aurait prise pour une vaniteuse qui voulait se rendre plus grande qu’elle n’est en allant s’approcher des hommes qui font du bruit. Oh ! ce n’est pas cela. » - Eh bien, alors, que venez-vous me dire ? » - Mais rien, monsieur ! » - Comment, rien ? Mais rien, cela ne vaut pas la peine de perdre deux jours pour venir d’Aix à Marseille, ni de m’attendre ici jusqu’au coucher du soleil, pour retourner demain d’où vous venez ?
» - C’est pourtant vrai, monsieur ; vous devez me trouver bien simple. Eh bien, je n’ai rien à vous dire, et je ne voudrais pas pour un trésor que l’on sût à Aix que je suis venue ici ! » - Mais enfin quelque chose vous a poussée à venir ; vous n’êtes pas comme ces vagues que vous voyez qui vont et viennent sans savoir pourquoi. Vous avez une pensée ; vous paraissez spirituelle et vive ; voyons, cherchez bien, quelle a été votre idée en prenant une place dans la diligence d’Aix et en vous faisant conduire à ma porte ?
» - Eh bien, monsieur, dit-elle en passant ses deux mains sur ses joues comme pour en faire disparaître la rougeur et l’embarras, et en rejetant ses belles boucles de cheveux noirs humides de sueur derrière son cou, c’est vrai, j’avais une idée, une idée qui ne me laissait pas dormir depuis huit jours. Je me suis dit : « Reine ! il faut te contenter ! tu ne diras rien à personne, tu fermeras ta boutique le samedi soir de bonne heure, tu prendras la diligence de nuit, tu passeras le dimanche à Marseille, tu iras voir ce monsieur, tu repartiras pour Aix le dimanche soir, tu seras le lundi matin à ton ouvrage, et tout sera fini ; tu te seras contentée une fois dans ta vie, sans que tes voisins ou voisines se doutent seulement que tu es sortie de la rue ou du Cours. »
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XVII » - Vous êtes donc quelquefois triste ? lui demandai-je avec un véritable intérêt. » - Pas souvent, monsieur ; grâce à Dieu, je suis de bonne humeur ; mais, enfin, tout le monde a ses peines, surtout quand on n’a ni parent, ni famille, ni mari, ni enfants, ni nièce autour de soi, et qu’on remonte le soir toute seule dans sa chambre pour se réveiller toute seule le matin, et n’entendre que les pattes de son oiseau sur les bâtons de sa cage ! Encore s’ils ne mouraient pas, monsieur ! s’ils étaient comme les perruches ou les perroquets qu’on voit sur le quai du port, à Marseille, et qui vivent, à.ce qu’on dit, cent et un ans, on serait sûr de ne pas manquer de compagnie jusqu’à la fin de ses jours ! Mais vous vous y attachez, et puis cela meurt ; un beau matin vous vous réveillez et vous n’entendez plus chanter votre ami près de la fenêtre ; vous l’appelez des lèvres, il ne répond pas ; vous sortez du lit, vous courez pieds nus vers la cage, et qu’est-ce que vous voyez ? Une pauvre petite bête, la tête couchée sur le plancher, le bec ouvert, les yeux fermés, les pattes roides et les ailes étendues dans sa pauvre prison ! Adieu ! tout est fini ! Plus de joie, plus de chansons, plus d’amitié dans la chambre ; plus personne qui vous fête quand vous rentrez ! Ah ! c’est bien triste, monsieur, croyez-moi ! » Et elle refoula deux larmes qui se formaient sous sa paupière. « Vous pensez à votre chardonneret, mademoiselle Reine ? lui dis-je. » - Hélas ! oui, monsieur, dit-elle avec honte, j’y pense toujours depuis que je l’ai perdu comme cela. Quand on n’a pas beaucoup d’amis, voyez-vous, on tient au peu que le bon Dieu nous en laisse ! Celui-là m’aimait tant ! Nous nous parlions tant ; nous nous fêtions tant tous les deux ! Ah ! on dit que les bêtes n’ont pas d’âme ! Je ne veux pas offenser le bon Dieu ; mais si mon pauvre oiseau n’avait pas d’âme, avec quoi donc m’aurait-il tant aimée ? avec les plumes ou avec les pattes pout-être ? Bah ! bah ! laissons dire les savants ; j’espère bien qu’il y aura des arbres et, des oiseaux en paradis, et je ne crois pas faire mal pour cela encore. Est-ce que le bon Dieu est un trompeur ? Est-ce qu’il nous ferait aimer ce qui ne serait que mort et illusion ? » - Est-ce que vous n’avez rien écrit, Reine, sur ce chagrin, qui paraît vous serrer le coeur ? » - Si, monsieur ; pas plus tard que dimanche dernier, en regardant sa cage vide et le mouron séché qui y pendait encore, et en me sentant pleurer, je nie suis mise à lui écrire des vers, à mon pauvre chardonneret, comme s’il avait été là pour les entendre. Mais je n’ai pas pu les finir, cela me faisait trop de mal. » - Dites-moi ces vers, ou du moins ceux dont vous vous souvenez, ici, là, peu importe, c’est le sentiment que j’en veux, ce ne sont pas les rimes. » Elle chercha un moment dans sa mémoire, puis elle dit d’une voix émue et caressante, comme si elle avait parlé à l’oiseau luimême:
VERS A MON CHARDONNERET Toi dont mon seul regard faisait frissonner l’aile, Qui m’égayais par ton babil, Hélasl te voilà sourd à ma voix qui t’appelle, Cher oiseau ! la saison cruelle De ta vie a tranché le fil ! Ne crains pas que l’oubli chez les morts t’accompagne, O toi le plus doux des oiseaux ! Tu fus pendant six ans ma fidèle compagne, Oubliant pour moi la campagne, Ta mère et ton nid de roseaux ! Moi je fus avec toi si vite accoutumée ! Nos jeux étaient mon seul loisir ; Lorsque tu me voyais dans ma chambre enfermée, Tu chantais. A ta voix aimée, Mon ennui devenait plaisir ! Dans ta captivité je semblais te suffire, Tu comprenais mes pas, ma voix, Mon nom même, en ton chant tu savais me le dire ; Dès que tu me voyais sourire, Tu le gazouillais mille fois ! Oh ! notre vie à deux ! quelle était douce et pure ! Oh ! qu’ensemble nous étions bien ! Le peu qu’il nous fallait pour notre nourriture, Je le gagnais à la couture ; Je pensais : « Mon pain est le sien ! » Je variais tes grains ; puis en forme de gerbe Cueillie au bord des champs d’été, Tu me voyais suspendre à ta cage superbe Un coeur de laitue, un brin d’herbe Entre les barreaux becqueté ! Que ne peux-tu savoir combien je te regrette ! Hélas ! ce fut à pareil jour Que tu vins par ton vol égayer ma chambrette, Où maintenant je te regrette Seule sans cette ombre d’amour ! Et cela finissait par deux ou trois strophes plus tristes encore, et par un espoir de revoir au ciel son oiseau enseveli pieusement par elle, dans une caisse de rosier, sur sa fenêtre, fleur qui inspirait tous les ans au chardonneret ses plus joyeuses et ses plus amoureuses chansons. Je regrette de les avoir égarées en quittant Marseille.
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Source: http://www.poesies.net
LE SABLE ET L'EAU OU L'OASIS. DÉDIE AUX MARIAGES QUI DEVIENNENT AMOUR
"OMBRE ET POUSSIÈRE AVEC FORCE ET HONNEUR ENGENDRE; L'HORIZON ET LA NATURE EST LA CONSCIENCE DU VERBE ET DE LA RÉPUBLIQUE: MON SEPTIÈME JOUR ET DU 8 à HUIT."CRIE YAHVÉ.
"LE PEUPLE PORTE LE VENTRE DE LA CONSCIENCE, GÉMIT MARIE-MADELEINE: MON CŒUR, MON ÂME ET MA SOLITUDE; AI JE DROIT DE PORTER JUGEMENT".
SILENCE FAIT APPARAITRE LA SUEUR DU SABLE. TOUT TRANSPIRE DANS YAHVÉ. J'AI HUMEUR DE PLUIE ET ASPECT DE CHACAL, CAR JE PORTE MON REGARD SUR LES CIEUX, YAHVÉ". DIT TAY
"OMBRE ET POUSSIÈRE AVEC FORCE ET HONNEUR ENGENDRE LIBERTÉ DU REGARD ET D'AMOUR: LA CONSCIENCE DU VERBE ET DE LA RÉPUBLIQUE" CRIE YAHVÉ VERS LA LUEUR DES PHARES DU VENT.
"MÉMOIRES ET SOUFFLE PORTENT LA CLAMEUR ET LE CHAGRIN DU SANG. IL RESPIRE LE TEMPS; ICI. JE SUIS DE CEUX QUI CROIT EN LA FIERTÉ; "LUIE" LE SOUVENIR DU CHAGRIN ESPÉRÉ, RÉPUBLIQUE."
ECRIT DE TAY LA CHOUETTE EFFRAIE OU CITOYEN TIGNARD YANIS ALIAS DARK OBSCUR LE PHOTOGRAPHE | |
| | | yanis la chouette
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| Sujet: Re: Le Bethlem Royal Hospital et Alphonse De Lamartine Jeu 8 Juin à 8:42 | |
| Écriture
Foucault a écrit en 1954 un premier ouvrage avec une thématique proche, Maladie mentale et psychologie. Histoire de la folie a été rédigé essentiellement à Uppsala en Suède, ville où Michel Foucault avait un poste d'enseignant de français depuis 1955. Il avait accès à la bibliothèque Carolina Rediviva où il a puisé l'essentiel de sa documentation1 . Le directeur pressenti était Sten Lindroth (sv), professeur d'histoire des idées et des sciences de l'université de la même ville, mais celui-ci rejeta le travail présenté. L'ouvrage est achevé à Cracovie et ce sont finalement Georges Canguilhem et Daniel Lagache qui acceptent d'en être les rapporteurs.
Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique est la thèse majeure du doctorat d'État et le premier ouvrage important de Michel Foucault, qui y étudie les développements de l'idée de folie à travers l'Histoire. C'est la deuxième édition, révisée, de 1972, qui abandonne le titre principal au profit du seul sous-titre.
Idées principales Une exclusion en remplace une autre
Foucault commence par une analyse au Moyen Âge, notant notamment comment les lépreux furent parqués hors de la société des vivants. Il y eut peut-être jusqu'à 19 000 léproseries à travers la chrétienté, cette précision étant fondée sur Matthieu Paris. Cette question amène à se demander que deviendront les léproseries, une fois la lèpre disparue : « (…) ces structures resteront. Dans les mêmes lieux souvent les jeux de l'exclusion se retrouveront, étrangement semblables deux ou trois siècles plus tard ».
À partir de là, Foucault trace une histoire de l'idée de maladie mentale au XVe siècle, et de l'intérêt accru pour l'emprisonnement au XVIIe siècle en France. Un repère est donné : c'est la fondation par un décret, en 1656, d'un « hôpital général », qui servira de lieu d'internement pour des fous, mais aussi des pauvres, des criminels. Le lieu sera à la fois vecteur de répression et de charité. Toutes ces « confusions » posent donc question. L'internement des fous, hérétiques, criminels et libertins
Bientôt cependant (Première partie, chapitre III) des précisions sont données. Il y eut bien des lieux réservés aux seuls fous : l'Hôtel-Dieu accueillera seulement des aliénés, Bethlem à Londres n'accueillera que des « lunatiques », bien que par ailleurs les « fous », les « furieux » soient mélangés, confondus avec d'autres internés, jusqu'en prison2.
Il s'agit alors de questionner la différence entre ces deux lieux. Quand seuls des fous sont internés, il s'agit bien d'une volonté médicale, ce qui n'est pas le cas ailleurs. De plus, Foucault suggère que la confusion que nous percevons dans l'internement est une vision qui n'est pas « juste », puisqu'elle porte sur l'âge classique un regard actuel, et qu'il s'agit donc bien plus de comprendre, non une erreur de l'âge classique, mais bien une « expérience homogène » de l'exclusion, des « signes positifs », une « conscience positive ».
Allant plus loin, Foucault remarque que les asiles réservés aux fous ne sont pas nouveaux à l'âge classique. La nouveauté qu'apporte cette période, ce sont bien les lieux qui mélangent fous et autres, charité et répression. En effet, Foucault précise l'existence d'hôpitaux réservés aux fous : à Fez au VIIe siècle, à Bagdad au XIIe siècle, puis au Caire au siècle suivant… Maladie de l'âme
Enfin, la folie aurait été reconnue comme une maladie de l'âme, puis avec Freud, comme une maladie mentale.
Foucault accorde une grande attention à la façon dont le statut de fou passa de celui d'un être occupant une place acceptée, sinon reconnue, dans l'ordre social, à celui d'un exclu, enfermé et confiné entre quatre murs.
Foucault étudie les différentes manières et tentatives de traitement des fous, et plus particulièrement les travaux de Philippe Pinel et Samuel Tuke. Foucault présente clairement les traitements appliqués par ces deux hommes comme non moins autoritaires que ceux de leurs prédécesseurs. Ainsi l'asile et les méthodes de Tuke n'auraient principalement consisté qu'en la punition des individus reconnus comme fous jusqu'à ce qu'ils apprennent à agir normalement, les forçant effectivement à se comporter à la manière d'êtres parfaitement soumis et conformes aux règles admises. De façon similaire, le traitement des fous par Pinel semble n'avoir été qu'une version étendue de la thérapie par aversion, y incluant des traitements tels que la douche glacée et l'utilisation des camisoles de force. Pour Foucault, ce type de traitements ne revient qu'à brutaliser le patient à répétition jusqu'à ce que celui-ci intègre la structure du jugement et de la punition. Plan Première partie
Chapitre I - Stultiferas navis Chapitre II - Le grand renfermement Chapitre III - Le monde correctionnaire Chapitre IV - Expériences de la folie Chapitre V - Les insensés Deuxième partie
Introduction Chapitre I - Le fou au jardin des espèces Chapitre II - La transcendance du délire Chapitre III - Figures de la folie Chapitre IV - Médecins et malades Troisième partie
Introduction Chapitre I - La grande peur Chapitre II - Le nouveau partage Chapitre III - Du bon usage de la liberté Chapitre IV - Naissance de l'asile Chapitre V - Le cercle anthropologique Éditions
Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard, 1972 Michel Foucault, Naissance de la clinique, PUF Michel Foucault, Les machines à guérir, éditions Mardaga
Notes et références
↑ Rodinesco E, Michel Foucault : lectures de l'histoire de la folie dans Philosophes dans la tourmente, 2005, éditions Fayard ↑ ce qui semble demeurer le cas aujourd'hui et ne constitue pas une particularité de l'époque étudiée | |
| | | yanis la chouette
Nombre de messages : 15889 Localisation : http://yanis.tignard.free.fr Date d'inscription : 12/11/2005
| Sujet: Re: Le Bethlem Royal Hospital et Alphonse De Lamartine Jeu 8 Juin à 8:44 | |
| Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient, 1832-1833, ou Note d'un voyageur
Par Alphonse De Lamartine
AVERTISSEMENT
Ceci n' est ni un livre, ni un voyage ; je n' ai jamais pensé à écrire l' un ou l' autre. Un livre, ou plutôt un poëme sur l' orient, M De Chateaubriand l' a fait dans l' itinéraire ; ce grand écrivain et ce grand poëte n' a fait que passer sur cette terre de prodiges, mais il a imprimé pour toujours la trace du génie sur cette poudre que tant de siècles ont remuée. Il est allé à Jérusalem en pèlerin et en chevalier, la bible, l' évangile et les croisades à la main. J' y ai passé seulement en poëte et en philosophe ; j' en ai rapporté de profondes impressions
dans mon coeur, de hauts et terribles enseignements dans mon esprit. Les études que j' y ai faites sur les religions, l' histoire, les moeurs, les traditions, les phases de l' humanité, ne sont pas perdues pour moi. Ces études, qui élargissent l' horizon si étroit de la pensée, qui posent devant la raison les grands problèmes religieux et historiques, qui forcent l' homme à revenir sur ses pas, à scruter ses convictions sur parole, à s' en formuler de nouvelles ; cette grande et intime éducation de la pensée par la pensée, par les lieux, par les faits, par les comparaisons des temps avec les temps, des moeurs avec les moeurs, des croyances avec les croyances, rien de tout cela n' est perdu pour le voyageur, le poëte ou le philosophe ; ce sont les éléments de sa poésie et de sa philosophie à venir. Quand il a amassé, classé, ordonné, éclairé, résumé l' innombrable multitude d' impressions, d' images, de pensées, que la terre et les hommes parlent à qui les interroge ; quand il a mûri son âme et ses convictions, il parle à son tour ; et, bonne ou mauvaise, juste ou fausse, il donne sa pensée à sa génération, ou sous la forme de poëme, ou sous la forme philosophique. Il dit son mot, ce mot que tout homme qui pense est appelé à dire. Ce moment viendra peut-être pour moi : il n' est pas venu encore.
Quant à un voyage, c' est-à-dire à une description complète et fidèle des pays qu' on a parcourus, des événements personnels qui sont arrivés au voyageur, de l' ensemble des impressions des lieux, des hommes et des moeurs, sur eux, j' y ai encore moins songé. Pour l' orient, cela est fait aussi ; cela est fait en Angleterre, et cela se fait en France en ce moment, avec une conscience, un talent et un succès que je n' aurais pu me flatter de surpasser : M De Laborde écrit et dessine avec le talent du voyageur en Espagne, et le pinceau de nos premiers artistes ; M Fontanier, consul à Trébisonde, nous donne successivement des portraits exacts et vivants des parties les moins explorées de l' empire ottoman ; et la correspondance d' orient , par M Michaud, de l' académie française, et par son jeune et brillant collaborateur, M Poujoulat, satisfait complétement à tout ce que la curiosité historique, morale et pittoresque, peut désirer sur l' orient. M Michaud, écrivain expérimenté, homme fait, historien classique, enrichit la description des lieux qu' il parcourt de tous les souvenirs, vivants pour lui, des croisades ; il fait la critique des lieux par l' histoire, et de l' histoire par les lieux ; son esprit mûr et analytique se fait jour à travers le passé comme à travers les moeurs des peuples qu' il visite, et répand le sel de sa piquante
et gracieuse sagesse sur les moeurs, les coutumes, les civilisations qu' il parcourt ; c' est l' homme avancé en intelligence et en années, conduisant le jeune homme par la main, et lui montrant, avec le sourire de la raison et de l' ironie, des scènes nouvelles pour lui. M Poujoulat est un poëte et un coloriste ; son style, frappé de l' impression et de la teinte des lieux, les réfléchit tout éclatants et tout chauds de la lumière locale. On sent que le soleil d' orient luit et échauffe encore dans sa pensée jeune et féconde, pendant qu' il écrit à son ami ; ses pages sont des blocs du pays même, qu' il nous rapporte tout rayonnants de leur splendeur native. La diversité de ces deux talents, s' achevant l' un par l' autre, fait de la correspondance d' orient le recueil le plus complet que nous puissions désirer sur cet admirable pays : c' est aussi la lecture la plus variée et la plus attrayante. Pour la géographie, nous avons peu de choses encore : mais les travaux de M Caillet, jeune officier d' état-major, que j' ai rencontré en Syrie, seront sans doute publiés bientôt, et compléteront pour nous le tableau de cette partie du monde. M Caillet a passé trois ans à explorer l' île de Chypre, la Caramanie, les différentes parties de la Syrie, avec
ce zèle et cette intrépidité qui caractérisent les officiers instruits de l' armée française. Rentré depuis peu dans sa patrie, il lui rapporte des notions qui eussent été bien utiles à l' expédition de Bonaparte, et qui peuvent en préparer d' autres. Les notes que j' ai consenti à donner ici aux lecteurs n' ont aucun de ces mérites. Je les livre à regret ; elles ne sont bonnes à rien qu' à mes souvenirs ; elles n' étaient destinées qu' à moi seul. Il n' y a là ni science, ni histoire, ni géographie, ni moeurs ; le public était bien loin de ma pensée quand je les écrivais : et comment les écrivais-je ? Quelquefois à midi, pendant le repos du milieu du jour, à l' ombre d' un palmier ou sous les ruines d' un monument du désert ; plus souvent le soir, sous notre tente battue du vent ou de la pluie, à la lueur d' une torche de résine ; un jour, dans la cellule d' un couvent maronite du Liban ; un autre jour, au roulis d' une barque arabe, ou sur le pont d' un brick, au milieu des cris des matelots, des hennissements des chevaux, des interruptions, des distractions de tout genre d' un voyage sur terre ou sur mer ; quelquefois huit jours sans écrire ; d' autres fois perdant les pages éparses d' un album déchiré par les chacals, ou trempé de l' écume de la mer.
Rentré en Europe, j' aurais pu sans doute revoir ces fragments d' impressions, les réunir, les proportionner, les composer, et faire un voyage comme un autre. Mais, je l' ai déjà dit, un voyage à écrire n' était pas dans ma pensée. Il fallait du temps, de la liberté d' esprit, de l' attention, du travail ; je n' avais rien de tout cela à donner. Mon coeur était brisé, mon esprit était ailleurs, mon attention distraite, mon loisir perdu ; il fallait ou brûler ou laisser aller ces notes telles quelles. Des circonstances inutiles à expliquer m' ont déterminé à ce dernier parti ; je m' en repens, mais il est trop tard. Que le lecteur les ferme donc avant de les avoir parcourues, s' il y cherche autre chose que les plus fugitives et les plus superficielles impressions d' un voyageur qui marche sans s' arrêter. Il ne peut y avoir un peu d' intérêt que pour des peintres : ces notes sont presque exclusivement pittoresques ; c' est le regard écrit, c' est le coup d' oeil d' un passager assis sur son chameau ou sur le pont de son navire, qui voit fuir des paysages devant lui, et qui, pour s' en souvenir le lendemain, jette quelques coups de crayon sans couleur sur les pages de son journal. Quelquefois le voyageur, oubliant la scène qui l' environne, se replie sur lui-même, se parle à lui-même,
s' écoute lui-même penser, jouir ou souffrir ; il grave aussi alors un mot de ses impressions lointaines, pour que le vent de l' océan ou du désert n' emporte pas sa vie tout entière, et qu' il lui en reste quelque trace dans un autre temps, rentré au foyer solitaire, cherchant à ranimer un passé mort, à réchauffer des souvenirs froids, à renouer les chaînons d' une vie que les événements ont brisée à tant de places. Voilà ces notes : de l' intérêt, elles n' en ont point ; du succès, elles ne peuvent point en avoir ; de l' indulgence, elles n' ont que trop de droits à en réclamer.
Marseille, 20 mai 1832. Ma mère avait reçu de sa mère au lit de mort une belle bible de Royaumont dans laquelle elle m' apprenait à lire, quand j' étais petit enfant. Cette bible avait des gravures de sujets sacrés à toutes les pages. C' était Sara, c' était Tobie et son ange, c' était Joseph ou Samuel, c' était surtout ces belles scènes patriarcales où la nature solennelle et primitive de l' orient était mêlée à tous les actes de cette vie simple et merveilleuse des premiers hommes. Quand j' avais bien récité ma leçon et lu à peu près sans faute la demi-page de l' histoire sainte, ma mère découvrait la gravure, et, tenant le livre ouvert sur ses genoux, me la faisait contempler
en me l' expliquant, pour ma récompense. Elle était douée par la nature d' une âme aussi pieuse que tendre, et de l' imagination la plus sensible et la plus colorée ; toutes ses pensées étaient sentiments, tous ses sentiments étaient images ; sa belle et noble et suave figure réfléchissait, dans sa physionomie rayonnante, tout ce qui brûlait dans son coeur, tout ce qui se peignait dans sa pensée ; et le son argentin, affectueux, solennel et passionné de sa voix, ajoutait à tout ce qu' elle disait un accent de force, de charme et d' amour, qui retentit encore en ce moment dans mon oreille, hélas ! Après six ans de silence ! La vue de ces gravures, les explications et les commentaires poétiques de ma mère, m' inspiraient dès la plus tendre enfance des goûts et des inclinations bibliques. De l' amour des choses au désir de voir les lieux où ces choses s' étaient passées, il n' y avait qu' un pas. Je brûlais donc, dès l' âge de huit ans, du désir d' aller visiter ces montagnes où Dieu descendait ; ces déserts où les anges venaient montrer à Agar la source cachée, pour ranimer son pauvre enfant banni et mourant de soif ; ces fleuves qui sortaient du paradis terrestre ; ce ciel où l' on voyait descendre et monter les anges sur l' échelle de Jacob. Ce désir ne s' était jamais éteint en moi : je rêvais toujours, depuis, un voyage en orient, comme un grand acte de ma vie intérieure : je construisais éternellement dans ma pensée une vaste et religieuse épopée dont ces beaux lieux seraient la scène principale ; il me semblait aussi que les doutes de l' esprit, que les perplexités religieuses devaient trouver là leur solution et leur apaisement. Enfin, je devais y puiser des couleurs pour mon poëme ; car la vie pour mon esprit fut toujours un grand poëme, comme pour mon coeur elle fut de l' amour. Dieu, amour et poésie, sont les trois mots
que je voudrais seuls gravés sur ma pierre, si je mérite jamais une pierre. Voilà la source de l' idée qui me chasse maintenant vers les rivages de l' Asie. Voilà pourquoi je suis à Marseille et je prends tant de peine pour quitter un pays que j' aime, où j' ai des amis, où quelques pensées fraternelles me pleureront et me suivront. Marseille, 22 mai. J' ai nolisé un navire de deux cent cinquante tonneaux, de dix-neuf hommes d' équipage. Le capitaine est un homme excellent. Sa physionomie m' a plu. Il a dans la voix cet accent grave et sincère de la probité ferme et de la conscience nette : il a de la gravité dans l' expression de la physionomie, et dans le regard ce rayon droit, franc et vif, symptôme certain d' une résolution prompte, énergique et intelligente. C' est de plus un homme doux, poli et bien élevé. Je l' ai examiné avec le soin que l' on doit naturellement apporter dans le choix d' un homme à qui l' on va confier non-seulement sa fortune et sa vie, mais la vie de sa femme et d' un enfant unique, où la vie des trois êtres est concentrée dans une seule. Que Dieu nous garde et nous ramène !
Le navire se nomme l' Alceste . Le capitaine est M Blanc, de La Ciotat. L' armateur est un des plus dignes négociants de Marseille, M Bruno-Rostand. Il nous comble de prévenances et de bontés. Il a résidé lui-même longtemps dans le levant. Homme instruit et capable des emplois les plus éminents, dans sa ville natale sa probité et ses talents lui ont acquis une considération égale à sa fortune. Il en jouit sans ostentation, et, entouré d' une famille charmante, il ne s' occupe qu' à répandre parmi ses enfants les traditions de loyauté et de vertu. Quel pays que celui où l' on trouve de pareilles familles dans toutes les classes de la société ! Et quelle belle institution que celle de la famille qui protége, conserve, perpétue la même sainteté de moeurs, la même noblesse de sentiments, les mêmes qualités traditionnelles dans la chaumière, dans le comptoir ou dans le château ! 25 mai. Marseille nous accueille comme si nous étions des enfants de son beau ciel ; c' est un pays de générosité, de coeur et de poésie d' âme ; ils reçoivent les poëtes en frères ; ils sont poëtes eux-mêmes, et j' ai trouvé parmi les hommes du commun de la société, de l' académie, et parmi les jeunes gens qui entrent à peine dans la vie, une foule de caractères et de talents qui sont faits pour honorer non-seulement
leur patrie, mais la France entière. -le midi et le nord de la France me paraissent, sous ce rapport, bien supérieurs aux provinces centrales. L' imagination languit dans les régions intermédiaires, dans les climats trop tempérés ; il lui faut des excès de température. La poésie est fille du soleil ou des frimas éternels : Homère ou Ossian, Le Tasse ou Milton. 30 mai. J' emporterai dans mon coeur une éternelle mémoire de la bienveillance des marseillais. Il semble qu' ils veuillent augmenter en moi ces angoisses qui serrent le coeur quand on va quitter la patrie sans savoir si on la reverra jamais. Je veux emporter aussi le nom de ces hommes qui m' ont le plus particulièrement accueilli, et dont le souvenir me restera comme la dernière et douce impression du sol natal : M J Freyssinet, M De Montgrand, Mm De Villeneuve, M Vangaver, M Autran, M Dufeu, M Jauffret, etc., etc., tous hommes distingués par une qualité éminente du coeur et de l' esprit, savants, administrateurs, écrivains ou poëtes. Puissé-je les revoir, et leur payer à mon retour tous ces tributs de reconnaissance et d' amitié qu' il est si doux de devoir et si doux d' acquitter !
Voici des vers que j' ai écrits ce matin en me promenant sur la mer, entre les îles de Pomègue et la côte de Provence ; c' est un adieu à Marseille, que je quitte avec des sentiments de fils. Il y a aussi quelques strophes qui portent plus avant et plus loin dans mon coeur.
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